Didi B, leader du mythique groupe de rap ivoirien « Kiff No Beat », a sorti ce 27 mai 2021 un single dans lequel on peut entendre des paroles chantées en fon, l’une des langues nationales du Bénin.
L’information aurait pu passer inaperçue, mais au vu des commentaires que cela a suscité sur un post Facebook, je me dis qu’il faut faire comprendre en quoi ce n’était pas qu’un détail.
Un rappeur ivoirien qui chante en fon, en quoi est-ce exceptionnel ? Pourquoi ce n’est pas qu’un détail quand cela vient d’un artiste de la renommée de Dibi B ?
Replaçons le contexte
Lorsqu’on vous dit nouchi ou wolof vous pensez automatiquement à la Côte d’Ivoire et au Sénégal. Mais seriez-vous capable de distinguer un seul mot en fon si vous l’entendiez ? J’en suis moins sûr.
Avant de démarrer, je tiens à préciser que :
Je ne suis pas expert en critique musicale. Je suis juste fan de #Musicfeelings !
Morel aguiar
Et pour cause ! La culture béninoise n’est pas la plus connue du continent, en dehors du Vodoun.
Pourtant, au vu de son histoire et de ses nombreux atouts, le Bénin ne devrait pas être en reste du monde de l’art et du lifestyle. C’est pour cela que lorsqu’un artiste de la trempe de Didi B provenant d’un pays ouest africain bien positionné sur la scène artistique chante en fon, il y a de quoi apprécier l’effort.
Didi B chante en fon: est-ce si exceptionnel que ça ?
J’ai envie de répondre oui et non. Mais j’aimerais bien savoir ce que vous en pensez dans les commentaires.
Les arguments pour un Oui
Comme abordé plus haut, il est plutôt rare de voir des éléments de la culture béninoise autant mis en avant sur le plan artistique. En effet, ce sont des phrases complètes et près de 17 secondes de paroles chantées en fon sur les 2 min 55 sec du son de Didi B.
Habituellement, les artistes ivoiriens intègrent dans leurs œuvres, des éléments provenant de pays beaucoup plus avance en terme de notoriété artistique.
Plus récemment, nous avons eu droit à des albums entiers truffés de références sénégalaises, de la part d’artistes ivoiriens en vogue comme Josey ou encore Bebi Philip.
On comprend donc l’émotion de ceux qui ont entendu des paroles comme « Nou na gnon nou wé » ou encore « A fon on, a na mon dagbé » qu’on peut traduire respectivement par :
- « Les choses iront bien pour toi » ;
- « Lorsque tu te réveilleras, tu trouveras le bonheur ».
Les arguments pour un Non
La plupart des commentaires que j’ai lus trouvaient qu’il n’y avait pas de quoi en faire tout un plat, car ce n’était pas toute la chanson qui était en fon. Logique !
De plus, Angélique Kidjo, la légende vivante de la musique béninoise, détentrice de plusieurs Grammys et véritable icône de la scène artistique, a l’habitude de chanter en fon même dans ses feat avec des artistes internationaux comme Burna Boy ou Yemi Alade.
Il faut aussi noter que ce n’est pas la première collaboration de Didi B avec d’autres artistes béninois ni le premier à le faire. Il y a eu notamment :
- « Survoltage » avec Dibi Dobo ;
- « Si Je Veux » avec Jupiter Davibe ;
- « Golden Cojones » avec Color (qui l’a supprimé récemment).
Pour certains encore, c’est bien, mais à quoi ça sert ?
Les partisans de la théorie du complot
Quelques commentaires ont fait remarquer que beaucoup de têtes d’affiche étrangères font des excursions répétées au Bénin pour leur travail. Est-ce juste la sape du président et les réalisations de son gouvernement révélant ainsi le Bénin qui les intéressent tant ?
Peut-être est-ce également l’une de ses actions discrètes ? Faire parler du Bénin à travers la culture et l’art.
Pourquoi le rayonnement de la culture d’un pays est si important ?
Il y a quelques dizaines d’années encore, un jeune africain lambda ne rêvait que d’une chose, partir vivre à l’étranger. Cela exerçait une certaine fascination. Heureusement que ce n’est plus le cas, sauf pour ceux qui continuent à braver l’atlantique à la recherche de leur bonheur occidental.
La notoriété
La culture du toubab a toujours l’air plus raffinée, plus féerique lorsque chez nous, c’est plutôt sans esthétique et « sorcelleresque ». Lorsqu’on rapporte cette comparaison au niveau local, on remarque que le bazin importé a actuellement plus la côte que le bomba du Bénin en kanvô prestigieux. Notons quand même que la tendance s’inverse peu à peu.
Et devinez comment cela s’est fait. Grâce à la mise en valeur dans les films, les clips d’artistes, les documentaires, etc. Cela est pareil pour le wax, le wolof ou encore le nouchi à travers les hits musicaux, les films, les événements artistiques, etc. Il s’agit ici de « soft power », c’est-à-dire, convaincre par la manière douce. C’est encore plus efficace que la dictature.
L’impact économique
Dieu merci, aller à tout prix en occident récurer les toilettes et poster trois selfies sur Instagram n’est plus un idéal africain. On rêve désormais de passer ses vacances à Zanzibar en Tanzanie, de voir le monument de la renaissance au Sénégal et de faire un safari au Nord du Bénin et même de s’installer dans un pays africain.
Et ça, c’est de l’argent pour toute une chaîne de valeur :
- Billet d’avion ;
- Hébergement ;
- Circuits touristique ;
- Achat de souvenirs ;
- Assistance de la micro-économie locale ;
- Création d’opportunités pour les entreprises ;
- Rotation des richesses du pays au sein de la communauté ;
- Etc.
C’est ça l’impact de la soft culture. Influencer nos décisions et nos choix de vie.
Que retenir de tout ça ?
En conclusion, oui, Didi B n’a chanté que quelques phrases en fon et ce n’est pas la fin du monde. Mais si cela permet de révéler un peu plus ce magnifique pays qu’est le Bénin, alors on prend.
Et d’ailleurs, qui a remarqué que Didi B posait ses phrases en fon (1 min 13) comme Angélique Kidjo dans Agolo (0 min 55) ? She is the GOAT !