Trois ans après l’obtention de mon diplôme de dentiste, je prends un moment pour faire le point. Le métier, la pratique quotidienne, les doutes, les apprentissages… Tout n’est pas encore clair, mais une chose est sûre : c’est un chemin qui vaut la peine d’être parcouru. Voici une réflexion personnelle sur ce que ce métier représente pour moi aujourd’hui.

Petit contexte
Il y a 3 ans jour pour jour le 20 Avril, je devenais docteur en chirurgie dentaire, pour le meilleur et pour le pire – oui, je suis dramatique ! Et cette année ? J’ai complètement oublié cette date. C’est une amie qui m’a écrit :
Joyeux 3eme anniversiare de soutenance…

Et j’ai été sincèrement ému. Elle est la seule à m’avoir envoyé ce message. Un détail dont elle s’est souvenue, et que moi j’avais totalement zappé, noyé dans le vacarme du quotidien. J’avais même prévu de poster une photo pour l’occasion… et j’ai oublié. Encore une fois, je confirme : je suis très mauvais avec les dates d’anniversaire — même les miennes.
Mais ce qui est encore plus drôle, c’est que cette année, la date de mon diplôme tombait le même jour que Pâques. Jésus est ressuscité trois jours après sa mort. Mon diplôme, lui, fêtait ses trois ans. Je ne sais pas s’il faut y voir une symbolique, mais ce parallèle m’a bien fait sourire. Le timing du « renouveau », en tout cas, était parfait !
Avant de se lancer dans cette rétrospective, petit contexte. J’avais déjà partagé quelques réflexions à chaud suite à l’obtention de ce diplôme de dentiste. Ready ? Faisons maintenant le point.
Ce qui n’a pas changé même 3 ans après ce diplôme de dentiste
Ce qui n’a pas changé, c’est cette envie sincère d’être utile.
Pas dans le sens vague ou abstrait du mot, mais dans ce qu’il a de plus concret : redonner le sourire — littéralement — à quelqu’un.
Je reçois beaucoup de patients anxieux, parfois traumatisés par de mauvaises expériences chez le dentiste. Certains arrivent au cabinet avec des douleurs qu’ils traînent depuis longtemps. D’autres ont laissé l’état de leurs dents devenir un frein dans leur vie, dans leur manière de parler, de sourire, d’aller vers les autres.
Quand j’arrive à les soulager, à les rassurer, à régler le problème et à leur faire vivre un soin sans douleur, je me sens réellement fier. Ce que je retiens, ce sont les mots qu’ils laissent après. Les petits messages adorables, les regards soulagés, les sourires timides mais sincères. C’est ça qui ne change pas. C’est ça qui continue de donner du sens à ce diplôme de dentiste.

Ce qui a changé – élargir, ajuster, questionner
Avec du recul, beaucoup de choses ont évolué et moi avec.
Ma vision du métier
Quand j’ai été diplômé, j’avais cette idée un peu figée du métier. Le dentiste pour moi avait un champ d’action limité, un peu cloisonné. Je me demandais d’ailleurs à l’époque où je créais encore activement du contenu, si je n’allais pas rapidement faire le tour des sujets — comme si j’avais déjà exploré l’essentiel.
Aujourd’hui, je sais que c’était faux.
La discipline est vaste. Mais la réalité du terrain, elle, limite l’expression de cette richesse. Entre le manque de recherche locale, le peu de moyens techniques, et la précarité économique de nombreux patients, il devient parfois difficile, voire inutile, d’aller chercher plus loin.
La reconnaissance de ce que je fais
La reconnaissance du métier ? Je dirais qu’elle est relative. Ce qu’on met en avant, c’est surtout le côté commercial et esthétique. Ce n’est pas mauvais en soi, mais cela finit par occulter la dimension « santé » qui devrait, elle, rester fondamentale.
Et puis, parfois, on renvoie une image réductrice de ton propre métier. Certains collègues se limitent à un triptyque “extraction, endo, prothèse” — histoire de rentabiliser. On ne peut leur en vouloir. Et du côté des collègues médecins généralistes, il y a encore une forme de hiérarchie médicale mal placée.
Et moi là-dedans ? Honnêtement… ma vision du métier reste encore un peu floue. Mais elle se précise.
Ce que je suis désormais
J’avoue qu’entre le moi au début de mes études médicales à 16 ans, le moi fraîchement titulaire du diplôme de dentiste en 2022 et le moi de 2025, il y en a eu du chemin.
Dr Morel – Dentiste version 2025
Je suis ce dentiste qui :
- rassure, qui sait que la peur du dentiste est bien réelle ;
- écoute, décroche dès la première sonnerie ;
- s’adapte, parce que chaque patient est un cas unique ;
- met à l’aise : musique pendant les soins, petit cadeau ou jouets pour les enfants, et même pour les adultes quelques fois.
Dr Morel – Fier rêveur
Changer le monde à mon échelle ! C’est ce qui m’a poussé à entamer un MBA en Economie de la Santé. Je veux pouvoir avoir un impact dans les décisions qui façonnent le quotidien de la population en Afrique.
Je fais aussi de la recherche en santé publique, et je me vois, peut-être, explorer un jour :
- la recherche médicale ;
- les biomatériaux ;
- les liens entre pathologies générales et santé bucco-dentaire ;
- les comportements et représentations des patients ;
- beacoup d’autres choses encore.

Je pense aussi qu’un bon dentiste, aujourd’hui, doit avoir une vraie ouverture psychologique.
Soigner les dents, c’est aussi prendre soin de l’intimité d’une personne. Au-delà des dents, nous avons accès à une fenêtre ouverte sur certaines choses les plus intimes qui soient. Être outillé pour savoir gérer cela sans se perdre soi-même, est une nécessité. Me former dans ce domaine pourrait aussi partie de mes options.
Oui, j’aime toucher à tout, d’où : The Versatile Dentist. Mon plus gros challenge est comment donner un sens à tout ça. Je ne sais pas encore, mais voilà ce que j’ai déjà capté.
Petites leçons en chemin
Des leçons, j’en ai tiré beaucoup ; certaines douloureuses, d’autres silencieuses. Mais toutes m’ont aidé à mieux comprendre la pratique, les gens… et moi-même.
Tu n’es ni bête ni naïf
J’ai appris que ton engagement sincère peut parfois passer pour de la naïveté. Que vouloir sincèrement aider, faire les choses bien, ça peut être vu comme candide, même bête. Mais aujourd’hui, je sais que ce sont ceux qui ne comprennent pas cette démarche qui passent à côté de quelque chose — pas moi.
Tes collègues ne sont pas tes amis
Celle-là, même si on me la répété 100 fois, je l’ai appris à la dure. Même si tu aimerais que ce soit le cas, tes collègues ne sont pas tes amis. Plus tôt tu le comprendras et mieux ce sera pour toi. Pour quelqu’un comme moi, certaines attentes finissent par blesser plus que les actes en eux-mêmes. Et c’est le monde du travail qui est ainsi fait parait-il. Heureusement, quand tu restes authentique, tu finis par attirer des personnes dans la même énergie ou par simplement partir vers un environnement qui te correspond mieux.
Sois indulgent envers toi-même
J’ai aussi appris à encaisser, mais aussi à me pardonner. Un jour, j’ai raté un soin endodontique. J’ai fait ce qu’on appelle un dépassement, le patient était allergique au produit et on a dû extraire la dent. Même s’il ne m’en a pas voulu — moi, je m’en suis extrêmement voulu. Ce n’était pas l’échec technique et les commentaires de ma hiérarchie uniquement qui m’avaient atteint.
C’était aussi et surtout le fait de ne pas avoir tenu la promesse que je m’étais faite à moi-même et au patient : faire mieux que son précédent dentiste, réparer la confiance abîmée. Pendant presque une semaine, je n’ai pas pu travailler, car ma main tremblait. Je doutais de tout ; même du plus simple cas.
Aujourd’hui, je sais que l’erreur peut exister même quand tu fais de ton mieux. Et que la transparence avec le patient est ce qui sauve la relation, même quand tout le reste échoue. Si les soi-disants grands du domaine échouent, se trompent sur des situations où le jeune réussit haut la main, l’inverse n’est donc t-il pas encore plus évident ?
Si le patient ne veut pas, ne force pas
Je sais maintenant qu’un soin peut échouer, même si tu fais tout bien, si le patient ne veut pas que ça fonctionne. Des anecdoctes dans ce sens, j’en ai tellement. Rien ne sera jamais bien pour le patient si ce n’est pas untel en particulier qui le fait. Certains sont parfois tellement bloqués psychologiquement, que ton soin peut échouer ou ton diagnostic être faussé parcequ’il ne communique pas la bonne information.
C’est pourquoi je prends toujours le temps d’entrer en connexion par un compliment, un sourire et la précision de leur inquiétude réelle. Et si je sens que ça ne passe pas, je réfère sans culpabiliser, vers quelqu’un qui aura une meilleure approche. Ma méthode et mon énergie peuvent ne pas convenir pas à tout le monde, et c’est ok. C’est même nécessaire.
C’est comme ça qu’un praticien peut se déployer, trouver sa place, attirer les patients qui lui correspondent.
Tu as de l’impact
Je ne voulais même pas faire de la clinique après mon diplôme de dentiste. Et pourtant aujourd’hui, quand je vois l’impact que j’ai dans la vie de certains patients, je sais que je suis à ma place. Je leur redonne confiance en eux et au dentiste. Et ça, c’est ma plus grande fierté.
Voir des gens qui étaient autrefois difficiles à toucher, être totalement contents de te revoir, ou te faire un témoignage sur comment ils sont désormais heureux, it’s priceless… J’avais une patiente qui avait passé plus d’un an sans sortir de chez elle et qui se trouvait absolument hideuse. Elle pleurait et ne supportait pas qu’on la touche. Lorsqu’à la fin de ses soins, elle m’a dit qu’elle se sentait à nouveau vivre et qu’elle avait pu désormais affronter le regard de sa famille, aller sur la tombe de son père, etc. là j’ai su. Il y en a eu plusieurs autres également et c’est un sentiment magique à chaque fois.
Du repos, tu te donneras
Je pense que quelques fois (beaucoup trop de fois), j’oublie de me donner du repos, mais mon corps et ma santé mentale me le font bien sentir. Il faut apprendre à se connaître. Savoir ses limites et savoir comprendre lorsque le corps nous dit de ralentir. Ce n’est pas toujours évident, mais il faut apprendre à dealer avec. C’est sans doute le conseil que j’ai le plus de mal à mettre en pratique.

Si je devais donner un conseil à un jeune dentiste ? Fais-toi confiance. L’expérience viendra. Et entoure-toi. Pas juste de gens compétents techniquement, mais de personnes solides moralement, qui sauront te porter quand toi tu ne peux plus.
Et maintenant, on retient quoi de ce diplôme de dentiste ?
La seule chose que je sais avec certitude, c’est que je ne sais pas.
Trois ans après le diplôme de dentiste, je ne suis pas encore devenu une version “aboutie” de moi-même. Je suis devenu par contre quelqu’un qui s’autorise à ne pas avoir toutes les réponses. Dr Morel Aguiar -version 2025 est quelqu’un qui doute parfois, qui ajuste, qui recommence — mais qui avance.
J’ai appris à accueillir les imprévus, à reconnaître mes limites sans m’y enfermer. J’ai aussi appris à tirer des forces même des moments les plus inconfortables. Et surtout, j’ai compris que l’incertitude et le flou font encore partie du paysage — mais c’est justement ce qui nourrit la croissance.
Ce métier, je l’apprends encore. Et peut-être que je l’apprendrai toute ma vie. Mais aujourd’hui, je peux le dire : je suis à ma place, et j’avance à mon rythme. A qui penses-tu que c’est mots pourraient faire du bien ? Partage-lui ces réflexions.